Expérimenté sur certaines intersections de la capitale depuis 2 ans, le “tourne-à-droite vélo” permettant aux cyclistes de passer les feux rouges, sous certaines conditions, a été progressivement généralisé à Paris.
Pour cela des panneaux ont été déployés de mi-juillet à fin septembre dans les carrefours de la capitale.
Maître Matthieu LESAGE, Avocat, en charge des infrastructures de transport au sein du think tank Automobilité & Avenir, en a débatu sur Europe1 dans le grand direct de l’actu avec Abel GUGGENHEIM, Membre de la Fédération Française des Usagers de la Bicyclette (FUB) et membre du conseil d’administration de l’association Paris en selle.
Explications sur cette mesure
Les nouveaux modes de déplacement entraînent dans la circulation urbaine d’importantes mutations. Une nouvelle signalisation permet désormais aux maires d’autoriser les cyclistes, dans certains carrefours, à tourner à droite ou à aller tout droit lorsqu’il n’y a pas de voie à droite alors que le feu est rouge, en respectant la priorité accordée aux autres usagers, et principalement aux piétons.
Cette possibilité ressort des dispositions de l’arrêté du 12 janvier 2012, paru au journal officiel du 27 janvier, qui a créé cette nouvelle signalisation.
La mesure donne aux maires la possibilité, dans le cadre de leur politique locale de circulation, d’ajouter aux feux tricolores, sur certains itinéraires et à des intersections choisies présentant toutes les conditions de sécurité, une signalisation destinée exclusivement aux cyclistes autorisant le “tourne-à-droite” ou le “tout droit”.
Cette nouvelle signalisation est composée de panonceaux (petits panneaux placés sous un feu) ou de feux jaunes clignotants qui montrent une silhouette de vélo et indiquent par une flèche la direction autorisée.
La mise en place de cette mesure n’est absolument pas une obligation pour les collectivités locales.
Ce sont les maires (ou les présidents de conseils généraux pour la voirie départementale) qui, en fonction de leur politique de déplacement et d’organisation de l’espace public, ont le libre choix de mettre en place ou non le “tourne-à-droite” sur les carrefours présentant toutes les conditions de sécurité.
Si la collectivité locale prend une telle décision en faveur des cyclistes, elle doit alors utiliser cette nouvelle signalisation.
Pour les cyclistes, l’autorisation de tourner à droite, ou de poursuivre tout droit en l’absence de voie à droite, à un feu rouge n’est donnée qu’en présence de la nouvelle signalisation.
Les cyclistes ne pourront franchir un feu rouge ou orange qu’en présence de la nouvelle signalisation.
Le “tourne-à-droite” ou la possibilité de continuer “tout droit” au feu rouge n’est autorisé qu’en présence de la signalisation spécifique. Il demeure strictement obligatoire d’observer l’arrêt au feu rouge sur l’ensemble des intersections ne mentionnant pas l’autorisation.
Le “tourne-à-droite” n’autorise jamais à aller tout droit.
Toute infraction pour franchissement de feu rouge est passible d’une amende de 4ème classe, soit 135euro.
Toute infraction à la règle du “cédez-le-passage” est également passible d’une amende de 4ème classe, soit 135euro.
Le “tourne-à-droite” et le “tout droit” ont fait l’objet d’expérimentations qui ont confirmé que ce mouvement peut se faire sans problème de sécurité pour la circulation. En revanche, le cycliste qui veut tourner à gauche dans un carrefour est susceptible de rencontrer un flux de circulation qu’il ne peut traverser sans exposer sa sécurité.
Ce mouvement pour aller à gauche sans la protection du feu vert ne peut donc pas être autorisé.
L’autorisation pour les cyclistes de passer au rouge n’est-elle pas dangereuse ?
L’expérimentation du “tourne-à-droite cycliste”, menée dans plusieurs villes de France sur des carrefours choisis, a apporté des résultats positifs et a démontré que, dans des configurations sécurisées, cette pratique ne présentait pas de danger particulier, ni pour les cyclistes, ni pour les autres usagers.
La mise en place de la nouvelle signalisation ne sera envisagée que sur des intersections où elle n’est pas susceptible de présenter de risque pour les usagers.
Le “tourne-à-droite” ne remet pas en question l’importance des feux tricolores et tout l’enjeu en termes de sécurité routière attaché au respect de son signal, et en particulier au respect de l’obligation d’arrêt au feu orange et rouge.
Les feux tricolores doivent impérativement être respectés par tous les usagers.
A quoi sert cette autorisation ?
L’objectif premier est de rendre la circulation du cycliste en ville plus facile et sûre. C’est donc un outil supplémentaire au service des politiques de déplacements menées par les collectivités locales.
Elle permet de réduire le nombre de situations inconfortables, voire dangereuses, dans lesquelles le cycliste se trouve dans l’angle mort des autres véhicules motorisés au moment du démarrage.
Il reste cependant indispensable, pour les cyclistes autorisés à passer au feu rouge, d’aborder l’intersection avec prudence et de respecter et laisser passer -au besoin en s’arrêtant- les piétons qui traversent ou veulent traverser.
La position d’Automobilité & Avenir
Qui n’a pas été tenté, alors qu’il est en vélo, de passer à un feu rouge ou à un stop, considérant d’une part que la visibilité est totale et d’autre part qu’avec la plus grande prudence cette action n’aurait aucune conséquence dangereuse ?
Il faut être objectif. La conduite d’un 2 roues et plus particulièrement d’un vélo entraîne un faux sentiment de liberté qui amène bien souvent les personnes à s’affranchir de certaines règles. Et que celui qui n’a jamais fauté nous jette la première pierre…
C’est donc pour réglementer l’usage du vélo et réguler de façon intelligente le partage de la rue que cette mesure a été décidée et non pas pour embêter les automobilistes. Ceci vaut également pour la remontée des “sens unique”.
Le fait de faciliter l’usage du vélo n’est donc pas une mauvaise chose et peut être parfaitement compris et accepter par tous.
Par contre cette acceptation a deux contreparties :
La première : les cyclistes doivent aussi respecter les autres usagers et d’une manière générale la règlementation en évitant par exemple de rouler sur les troitoirs, de se faufiler n’importe où, ou enocre de donner l’impression de provoquer.
La seconde : La mesure doit être cohérente et les collectivités doivent faire preuve de discernement pour ne pas la mettre en oeuvre dans des endroits dangereux ou perçus par les autres usagers comme inadaptés et ceci afin d’éviter les accidents et la critique.
Le code de la rue a pour pricnipal objectif une circulation apaisée entre tous les usagers. Ceci énonce avant tout un principe de prudence à l’égard des plus vulnérables. C’est dans cette logique qu’ont été introduites les « zones de rencontres » ouvertes à tous les modes de transport, mais dans lesquelles les piétons ont la priorité sur tous.
Et pour que ce principe de prudence de l’usager le mieux protégé à l’égard du plus exposé se généralise et s’ancre dans les comportements, les zones spécifiques doivent bénéficier d’une unité de règles et de signalisation. Chacun peut ainsi adapter plus facilement son comportement (réduction de la vitesse pour les automobilistes, double sens de circulation quasi-généralisé en « zone 30 » et en « zone de rencontre » pour les cyclistes, traversée de la chaussée facilitée pour les piétons).
Mais n’oublions non plus le bon sens, ni le plaisir de repsecter les autres. Car ce sont aussi les valeurs et l’éducation qui peuvent aider à mieux partager la rue dans une collectivité de plus en plus dense, de plus en plus pressée, de plus en plus individualiste et par voie de conséquence de plus en plus énervée.